Histoire

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Une prison redoutable

Peintures réalisées par un prisonnier au sein du donjon de Vincennes

Le château de Vincennes a longtemps été une prison terrifiante. Détenus royaux ou prisonniers de guerre : entrez à votre tour dans ses cellules !

Le donjon devient prison

La construction du château de Vincennes date du règne de Charles V, au XIVe siècle. L’édifice était alors le cœur du royaume de France, servant à la fois de résidence royale et de forteresse militaire. À la fin du XVe siècle, le roi Louis XI lui donne une nouvelle dimension : désormais, le donjon servira aussi de prison ! Mais attention : il ne s’agit alors que de prisonniers de marque, « hébergés » à la demande du Roi.

Au siècle suivant, les souverains s’installent dans un pavillon au sud-ouest de l’enceinte du château, plus confortable. Le donjon n’a donc plus qu’un rôle pénitentiaire, toujours destiné aux personnalités importantes. Par exemple, en 1574, c’est Henri de Navarre, le futur Henri IV, qui y est assigné à résidence pour avoir participé au complot des Malcontents avec le duc d’Alençon.

Le donjon de Vincennes et du portique Le Vau
Le donjon de Vincennes et le portique Le Vau

© Patrick Cadet / Centre des monuments nationaux

Domus Dolorum, la maison des douleurs

Au XVIIe siècle, le donjon continue d’être employé pour accueillir des captifs de prestige. Se succéderont le Grand Condé, en 1650, et Nicolas Fouquet, le surintendant des Finances de Louis XIV, en 1661. Des détenus de droit commun y sont également envoyés sur ordre direct du Roi, notamment au cours de l’Affaire des Poisons, en 1679. Cette série de scandales impliqua plusieurs aristocrates de la Cour et déclencha une véritable chasse aux sorcières dans tout Paris.

Selon leur emplacement, les geôles sont plus ou moins accueillantes. L’une des plus terribles, au troisième étage, est exposée au froid et au vent. L’un des pensionnaires a d’ailleurs laissé une trace de son passage, inscrivant sur ses murs « Domus Dolorum », la maison des douleurs !

Vestiges d’une ancienne cellule au premier étage du donjon de Vincennes
Vestiges d’une ancienne cellule au premier étage du donjon

© Patrick Müller / Centre des Monuments Nationaux

Le XVIIIe siècle et les lettres de cachet

Comment se débarrasser d’une personne encombrante ? Au XVIIIe siècle, la solution est toute trouvée : demander une lettre de cachet ! Signées par le Roi, ces lettres peuvent ordonner un emprisonnement ou un exil sans jugement. En pleine époque des Lumières, les écrivains et les philosophes en font les frais : Diderot est incarcéré à Vincennes en 1749 et Mirabeau, en 1777.

C’est à cette époque que la prison de Vincennes reçoit l’un de ses plus célèbres locataires : le marquis de Sade. Enfermé à la demande de sa belle-famille, il y passera sept ans, dont six dans l’une des cellules du rez-de-chaussée. Bâties à l’ombre de la muraille et à même la terre, celles-ci étaient particulièrement humides et glaciales. Sade souffre de sa captivité, mais il en profite aussi pour commencer à écrire son ouvrage le plus connu, Justine ou les Malheurs de la vertu. La légende raconte qu’il aurait dissimulé ses manuscrits dans les murs. Qui sait, peut-être y sont-ils toujours ?

Lettre de cachet signée par Louis XV en 1760, château de Vincennes
Lettre de cachet signée par Louis XV en 1760

© CICV / Centre des monuments nationaux

Le château de Vincennes, prison d’État

Après quatre siècles passés au service de la justice, le château de Vincennes est devenu l’un des symboles de l’oppression royale. En 1784, Louis XVI décide de le fermer face à la colère du peuple, mais Napoléon le rouvre au début du XIXe siècle. Il y fait notamment incarcérer monseigneur de Boulogne, son confesseur, dans la pièce attenante à la Salle du Conseil. Regardez à travers le judas de la porte en bois : elle est décorée de nombreuses peintures, réalisées par des captifs.

Peut-être avez-vous aussi entendu parler du duc d’Enghien ? Arrêté et envoyé à Vincennes, il est fusillé sans jugement en 1804. Son tombeau se trouve dans la Sainte-Chapelle du château depuis 1816.

C’est à cette époque que la cour est transformée en promenoir et que la terrasse du donjon est sécurisée pour empêcher les suicides des condamnés. Des portes sont également aménagées dans les murs du rez-de-chaussée, restés étanche jusqu’ici. Ces passages servent à faciliter la circulation au sein de la prison. Ce sont ceux que vous empruntez aujourd’hui pour accéder au donjon ! 

Peintures murales réalisées par un prisonnier dans le donjon de Vincennes
Peintures murales réalisées par un prisonnier au premier étage du donjon

© Philippe Berthé / Centre des Monuments Nationaux

La fin du château prison

1940. Le début de la Seconde Guerre mondiale interrompt le chantier de restauration en cours au château de Vincennes. Le donjon retrouve ses attributs militaires en devenant le quartier général de l’état-major français. Mais, après la capitulation du maréchal Pétain, il est occupé par la Werchmacht allemande, qui y enferme mutins et prisonniers de guerre.

Ceux-ci sont logés au quatrième étage de l’édifice, pensé dès l’origine pour en être le cœur défensif. Toutes les parois sont percées, ce qui permet de voir arriver les ennemis par n’importe quel côté, mais laisse aussi s’infiltrer l’air glacial. Les conditions de détention y sont donc très difficiles !

Le donjon est libéré en août 1944 par les troupes alliées, après avoir été en partie détruit par les soldats allemands. Avant de quitter les lieux, ceux-ci fusillent des dizaines de résistants, dont les corps sont retrouvés dans les fossés du fort. Au quatrième étage, un soldat américain découvre les graffitis à la mine de plomb laissés par les captifs sur un pilier. Au sommet, il y ajoute son propre message : « Sterner, USA 1944 ». Le donjon de Vincennes cesse ensuite définitivement d’être un lieu d’enfermement !

Longtemps symbole de justice, voire d’oppression, le château de Vincennes est un lieu de détention historique. 
Saviez-vous qu’il abrite les vestiges d’une autre prison célèbre ? Vous pouvez y admirer les lourdes portes de la tour du Temple, où ont été incarcérés Louis XVI et Marie-Antoinette !

Graffiti des années 1940 sur le pilier central de la grande salle, quatrième étage du donjon
Graffiti des années 1940 sur le pilier central de la grande salle, quatrième étage du donjon

© Romain Veillon / Centre des monuments nationaux

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